Une expérience du monde

Alexandre Parrot

10/7/20252 min read

Ma fille se balade en sandales dans le jardin lorsqu’elle se met à hurler un "NONNNNNN !!!!!" déchirant. Les parents savent à la tonalité du hurlement si c’est sérieux ou pas (l’intensité n’est pas significative). Là on était sur la tonalité arrêt cardiaque du parent en termes d’inquiétudes.

Je me précipite et vois ma pauvre petite se tourner vers moi, le visage plein de terreur, de larmes et d’incompréhension. Sur son pied une abeille fermement accrochée, dard planté dans son orteil.

On passe beaucoup de temps à l’éveiller à la nature, à lui expliquer que les abeilles notamment ne sont généralement pas méchantes si on ne les embête pas. C’était donc une totale incompréhension pour elle, une trahison même.

Elle a passé une demi-heure à nous demander "Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi l’abeille elle a fait ça ???". Puis à sursauter à la moindre petite bête, à la moindre poussière ou tache suspecte sur le sol, en refusant catégoriquement de retourner dans son jardin.

Le genre de choses qu’il faut désamorcer tout de suite si l’on ne veut pas risquer la phobie.

Après lui avoir expliqué que c’était un accident, qu’elle avait sans doute marché à coté de l’abeille qui avait du prendre peur, sa maman l’a ramené au jardin en la tenant dans ses bras. Moi j’ai sorti l’objectif macro et je lui ai proposé de faire des photos des petites bêtes.

Et aussitôt ma courageuse petite fille remplaçait une expérience traumatisante par des rires et des "Hoooo !!!" devant cette petite araignée sauteuse qui nous offrait toute sa mignonitude.

C’est ce qui rend la photographie singulière : c’est une expérience du monde.
Même avec une approche personnelle, esthétique, subjective… ce médium prend racine dans notre monde commun, c’est ce qui le rend ce genre de partage possible.
C’est littéralement comme dire regarde, regarde comme ce monde est beau, original, intéressant, vaste, étrange… et c’est d’autant plus fort avec un enfant.